23 Avril 2015
Installé au volant de son taxi, Jafar Panahi sillonne les rues animées de Téhéran. Au gré des passagers qui se succèdent et se confient à lui, le réalisateur dresse le portrait de la société iranienne entre rires et émotion...
En 2011, sous le coup d'une condamnation d'interdiction de tourner (toujours en vigueur), Jafar Panahi avait réalisé Ceci n'est pas un film clandestinement chez lui. C'était à la fois terrible et magnifique. De ces films qui marquent pour très longtemps. Taxi Téhéran a été tourné tout aussi secrètement. Mais à l'air libre cette fois-ci, ou plutôt dans un taxi, aménagé spécialement pour ne pas être repéré. L'effet est saisissant, mais c'est très drôle ce coup-ci. Même si le constat sur la société iranienne qui en ressort est toujours aussi alarmant. Chaque personnage est une preuve vivante de l'intolérable injustice subie par le peuple iranien. Mais elle est surtout cristallisée dans les propos de la petite fille (et de l'avocate). Cette dernière joue son propre rôle, comme d'autres personnages. Les autres sont aussi tous des comédiens non-professionnels qui jouent anonymement. La force et l’intérêt de l'ensemble, outre l'émotion suscitée, est qu'on a vraiment l’impression d'être devant un documentaire et que les passagers du taxi sont de vrais clients. Visuellement, ce n'est donc pas très beau à voir. Et pour cause, la technique est réduite au minimum, sans budget, et dans la plus totale illégalité. Mais on s'en fiche complètement. Le film ne dure que 1h22 mais on souhaiterait qu'il en fasse deux ou trois de plus. Avec rien, Jafar Panahi réussit encore un tour de force et nous offre un des plus drôles, des plus beaux et des plus forts film de l'année. Et qui, pour couronner le tout, fait la nique au pouvoir iranien, en ayant raflé l'Ours d'or au Festival de Berlin en février dernier...