13 Septembre 2016
Quand Valentine se marie à 20 ans avec Jules, nous sommes à la fin du 19e siècle. À la fin du siècle suivant, une jeune Parisienne, l’arrière-petite-fille de Valentine, court sur un pont et termine sa course dans les bras de l’homme qu’elle aime. Entre ces deux moments, des hommes et des femmes se rencontrent, s’aiment, s’étreignent durant un siècle, accomplissant ainsi les destinées amoureuses et établissant une généalogie… Une éternité…
Après un début de carrière tonitruant (L'odeur de la papaye verte, Cyclo, A la verticale de l'été), Tran Anh Hung avait marqué le pas avec le très décevant La ballade de l'impossible. Un casting alléchant et juste deux ou trois images de la bande-annonce m'avaient redonné espoir pour ce nouveau film. J'en suis sorti émerveillé sur tous les plans. Tout est parfait. La mise en scène est somptueuse, soignée et d'une élégance folle. Elle est aussi originale que risquée. Car il ne passe finalement pas grand chose dans Eternité. Juste la vie qui coule, le temps qui abime. Naissances (belle pub pour La manif pour tous diront les mauvaises langues), maladies, guerres, morts, joies, peines. Si cela ressemble à une saga familiale, ce n'est pourtant pas vraiment de celles que l'on a l'habitude de voir. Même si, sur un siècle, se déroule sous nos yeux l'histoire de cette famille. C'est en fait juste une succession de petits moments, avec très peu de dialogues, rythmés par une voix-off (extrait du roman dont est adpaté le scénario) et une musique omniprésente qui en dit autant ou même bien plus qu'un bavardage incessant. L'émotion n'est pas présente tout le temps, elle ne monte pas progressivement, mais elle nous surprend par petits pics intempestifs et fulgurants. Certes, il y a peu d'action. Le tout est très lent (je comprends qu'on puisse s'y ennuyer). Lent comme la vie qui passe, lent comme une chaude journée d'été où l'on ne fait rien que lézarder au soleil. Techniquement, le film est une splendeur. Voilà sans doute la plus belle photo vue depuis longtemps. Les images sont d'une telle beauté que chaque plan est plus beau que le précédent. Les costumes, les décors, le son, la musique, tout est au diapason. Tout comme les acteurs. Même s'ils n'ont, finalement, pas grand chose à défendre. Juste d’être là, nous faire croire en leurs personnages et les rendre attachants. Audrey Tautou, Bérénice Bejo, Mélanie Laurent, Pierre Deladonchamps et Jérémie Rénier sont magnifiquement mis en images, sobres et beaux. Eternité est donc une vraie splendeur, une beauté envoutante et contemplative dans laquelle j'ai glissé avec le plus grand bonheur. Comme le tableau d'un grand maître, qui nous ravit les yeux comme le cœur. Aussi sophistiqué et stylisé que Le fils de Jean est simple, ils sont pourtant les deux meilleurs films français de l'année pour l'instant. Tran Anh Hung retrouve ici sans problème la place qu'il avait dans mon estime. Son film est une pure merveille.