Another Happy Day

Ce premier film de Sam Levinson (fils de Barry : Rain man, Good morning Vietnam…) s’avère être une bonne petite surprise (Prix du scenario à Sundance). D’autant plus que je ne m’attendais pas du tout à ce genre de film. En effet la bande-annonce est une fois de plus très trompeuse (un peu à l’image de celle de Drive, très rapide, alors que le film est très lent). Elle laisse supposer une comédie débridée sur un mariage qui part en vrille. Ce n’est qu’en partie vraie. On est là plutôt dans le tragi-comique voir dans le tragique tout court. On se dit que les réunions de famille qui tournent mal du mariage à l’enterrement, on a déjà vu cela mille fois et qu’il n’y a là rien de vraiment nouveau, mais cela fonctionne bien tout de même. Si la mise en scène de cet Another happy day, titre bien sûr ironique (la journée n’est vraiment heureuse que pour très peu de monde) est plutôt maitrisée pour un premier long métrage, le scénario, lui, est finement écrit, bien que très bavard, avec un côté très politiquement incorrecte. Outre ironique, c’est cruel, méchant, mesquin, rancunier, psychotique, parfois complètement barré, mais rarement tendre. Cela nous change des habituelles dégoulinades et happy end à l’américaine et cela bouscule tout de même bien nos émotions. Personne dans cette famille n’est vraiment « normal ». Entre névroses, dépressions,  alcoolisme, multi-dépendance, automutilation, égoïsme et autres machos primaires (et j’en oublie), chacun, finalement, reconnaitra quelqu’un de sa propre famille, sinon soit même… On ne sait pas (ou très peu) comment les personnages en sont tous arrivés là, ni comment ils survivront à tout cela et c’est très bien comme ça. Juste un petit moment de leur vie où ils sont tous réunis et où, forcément, cela ne va pas se dérouler comme prévu. Des dialogues percutants font vivre tout cela, nous faisant rire (jaune) tout en nous prenant aux tripes. Car des scènes dures il y en a beaucoup. Beaucoup de celles de Lynn, la sœur ainée, pivot de l’histoire, jamais soutenue par personne, que ce soit ses propres parents, ses enfants ou son propre mari totalement dans la lune. La scène entre elle et sa mère (dont le vernis craque un peu), une nuit dans la cuisine, est sans doute la meilleure. Lynn c’est Ellen Barkin. Une actrice formidable (Mélodie pour un meurtre, Mad dogs, Dans la peau d’une blonde…), trop peu connue, et qui n’a pas eu la carrière qu’elle aurait méritée (mais cela peut encore venir). Elle est aussi productrice du film et elle est formidable (bien que peut être un peu vieille pour le rôle). Elle est aussi agaçante que touchante, toujours en pleurs et toujours très borderline (mais bon, pour gérer toute sa chiée de gosses tarés, on peut le comprendre…). Dans le rôle de la grand-mère, on retrouve la grande Ellen Burstyn. Elle aussi est vraiment très bien, coincée, implacable et raide comme la justice, ne faisant preuve d’aucune compassion, sans doute le personnage le plus dur de tous. Ezra Miller, est une nouvelle fois très convaincant. Le problème est qu’il tient là à peu près le même genre de rôle que dans We need to talk about Kevin. Attention à ne pas s’enfermer là dedans (mais il aime jouer ce genre de personnage, nous a-t-il dit le soir de la première dans le débat d’après film). Quant à Demi Moore, elle se lâche en belle-mère envahissante, assez croustillante, vraiment très drôle. On retrouve aussi pour les maris, pères, grand-père, les toujours excellents Thomas Haden Church, George Kennedy et Jeffrey DeMunn.
Au final, un premier film plein de promesses pour Sam Levinson. Sans parler de chef d’œuvre (mais très potable pour un premier essai), il dynamite un peu les films familiaux en passant cette famille moyenne américaine par la petite moulinette acerbe de sa caméra. On attend la suite avec une certaine impatience donc. Pour l’instant son Another happy day nous fait passer un bon moment un peu grinçant…