Héros

Un film de Bruno Merle avec Michael Youn,  Patrick Chesnais, Elodie Bouchez et Jackie Berroyer (France) Genre : Drame- Durée : 1H55 mn Sortie en salles le 20 juin 2007

Synopsis

Critique

Rarement le terme de "clown triste" aura si bien collé à un personnage. Car le réalisateur le dit lui-même et c'est tout à fait ce que l'on ressent à la vision de son film : "...c'est un individu qui clame son droit à la tristesse". Pour son premier long métrage, Bruno Merle nous offre un film noir, très noir même. Un film bizarre, halluciné, constamment sur le fil de la folie où l'on ne sait jamais très bien si l'on voit la réalité ou une vision onirique. Dans tout les cas un film pessimiste où jamais une lueur d'espoir apparaît, même quand on pense qu'elle va venir. L'ambiance est donc très lourde, confinée, et le huit-clos accentue encore plus l'impression d'étouffement.

Si l'intrigue se tire parfois en longueur, on ne s'ennuie pas. Le metteur en scène arrive a nous sortir d'une certaine torpeur qui pourrait s'installer en intercalant des scènes qui cassent le rythme. A part la scène où apparait Jackie Berroyer, totalement décalée et hilarante, les deux protagonistes sont toujours seuls et tous les autres personnages n'apparaissent que par télévision interposée, dans des souvenirs ou bien ils sont morts ! Le film prend parfois des allures de cinéma expérimental, quelque part entre les David : Lynch ou Cronenberg. Les scènes où le héros parle directement à la caméra et à son cameraman auraient peut être pu être éviter. Ce ne sont pas les plus réussies. Techniquement l'image est plutôt belle, l'unité de lieu dûe au huit-clos ne lasse pas  et les décors sont bien en valeur. La musique plutôt belle en général est quelques fois un peu forte et limite casse-tête mais elle met très bien en valeur certaines scènes surtout celle de la tirade de Cyrano à la fin.

L'interprétation est le point fort du film. Michaël Youn à l'instar de Jean Dujardin dans Contre-enquête il y a quelques semaines, fait ici son Tchao pantin. Totalement investi, le comique est littéralement habité par son personnage. Alors que l'on aurait pu craindre de la démesure et du guignol, il tient le rôle sur plusieurs registres du rire à la folie en passant par la tendresse, sans jamais être grotesque et en restant crédible jusqu'au bout. Un bon virage dans sa carrière qui lui procurera peut être d'autres belles occasions. Il est parfaitement soutenu par un Patrick Chesnais grandiose, qui jusqu'au bout gardera habilement le secret sur son personnage, lui aussi naviguant sur plusieurs sentiments avec bonheur. Mention spéciale à Elodie Bouchez. Appraisant dans une seule scène à la fin du film, elle livre là une magnifique composition tout en pudeur, retenue, pleine de tendresse et de poésie. Elle est bouleversante. Cette scène commune avec le héros par télévision interposée, est le plus beau moment du film.

Certes Héros est un film qui peut dérouter au premiers abords. Mais dès l'instant où l'on arrive à rentrer dans l'ambiance et à adhérer au propos, c'est un film qui tient en haleine, qui intrigue, qui dérange, bref qui le laisse pas indifférent. La demie-mesure n'est pas de mise ici, soit on aime, soit on déteste. Malgré quelques baisses de régime et quelques défauts inhérents à tous premiers films, il faut saluer l'audace et l'originalité du scénario et de la mise en scène, ainsi que le haut niveau d'interprétation. Pour un premier essai ce n'est pas donné à tout le monde. Malheureusement la presse tire à boulets rouges sur Bruno Merle et son film, l'enterrant à l'avance et ne lui laisant que peu de chance d'être vu. Dommage. Pour rattraper, moi je lui mets **** étoiles. N'attendant rien de particulier, surtout pas de Michaël Youn, la surprise est donc totale. Une grande claque.

Après A l'intérieur, Et toi, t'es sur qui ? ou Vent mauvais, Héros prouve une fois de plus que le jeune cinéma français a la pêche et sait nous étonner et nous surprendre. De bonne augure pour les années à venir.