Rome dans la splendeur de l’été. Les touristes se pressent sur le Janicule : un Japonais s’effondre foudroyé par tant de beauté. Jep Gambardella – un bel homme au charme irrésistible malgré les premiers signes de la vieillesse – jouit des mondanités de la ville. Il est de toutes les soirées et de toutes les fêtes, son esprit fait merveille et sa compagnie recherchée. Journaliste à succès, séducteur impénitent, il a écrit dans sa jeunesse un roman qui lui a valu un prix littéraire et une réputation d’écrivain frustré : il cache son désarroi derrière une attitude cynique et désabusée qui l’amène à poser sur le monde un regard d’une amère lucidité...
Après deux films formidables Il Divo et This must be the place (tous deux déjà en compétition à Cannes), Paolo Sorrentino nous revient aujourd'hui avec La grande bellazza. Ce nouvel opus, bien que très différent (quoi que) est tout aussi réussi (mais sans doute un peu moins puissant). Dans le rôle titre, il fait de nouveau appel (pour la quatrième fois) à Toni Servillo, impressionnant Giulio Andreotti de Il Divo. Une fois de plus, il est formidable. Si la prestation est plus discrète, moins ébouriffante, elle n'en reste pas moins remarquable. Tout le casting est d'ailleurs très convaincant (il paraît qu'Angelina Jolie fait une apparition mais elle doit être très furtive, je ne l'ai pas vue...par contre une actrice française apparaît dans son propre rôle). Servillo prouve qu'il est définitivement l'un des meilleurs acteurs de sa génération (en Italie et au-delà). Tout comme Sorrentino prouve qu'il est l'un des meilleurs réalisateurs actuels. Sa mise en scène est toujours aussi forte, maitrisée. Le scénario est foisonnant. Il nous dresse le portrait aussi intimiste que délirant d'un mondain qui, le jour de son 65è anniversaire, se retourne pour faire le bilan de sa vie. Constat forcément amer sur une existence remplie de futilité. L'ambiance est très particulière. Un mélange de scènes de fêtes, de sensualité, de souvenirs, de longues conversations sur la vacuité de la vie, de balades dans Rome (véritable personnage à part entière) et ses merveilles, nous offrant quelque chose de très particulier, parfois onirique et vaguement surnaturel. Des moments bouleversants, certains très drôles, d'autres touchés par la grâce, d'autres plus graves ou plus cruels mais jamais ennuyeux. Il y règne mélancolie, nostalgie et une certaine tristesse. Visuellement, l'ensemble est superbe et le tout est enrobé dans une bande son très présente faite de standards italiens et d'une belle musique originale.
Paolo Sorrentino nous offre donc un très beau film. Peut être moins fort que ces deux précédents mais on assiste là à une jolie chronique plus amère que douce sur le temps qui passe, inéluctable, sur la jeunesse envolée, et la vieillesse qui arrive, incontournable. Et un très beau portrait d'homme (c'est vrai on dit toujours « un beau portrait de femme »)...