26 Août 2012
Peu de films cette année m'auront causé un tel choc. Plusieurs jours après j'y pense encore et, fait rare, j'en ai même rêvé la nuit suivant son visionnage. Je n'avais pas lu le synopsis, ni vu la bande-annonce pour arriver devant le plus vierge possible. Les bons échos laissaient entrevoir un grand moment. C'est bien le cas. Le film de Joachim Lafosse est d'une force incroyable. Son précédent long métrage, Elève libre sorti en 2009, n'était déjà pas passé inaperçu. D'entrée ici, il nous prend à la gorge. La scène d'introduction est terrible, scellant le drame qui va se jouer sous nos yeux. L’intérêt et le suspens, car c'est un vrai suspens, seront de voir comment, tout au long du film, la jeune femme va en arriver là. Une ambiance pesante et oppressante, lourde de manipulation et de perversion, va resserrer son étau dans nos ventres et nos cœurs jusqu'à un final terrible et glaçant. Très vite on s'attache à ce personnage de femme amoureuse (et certainement déjà fragilisée depuis longtemps) prête à tout pour être heureuse. De concessions en brimades et vexations, la lente et inéluctable descente aux enfers prend alors forme sous nos yeux. Le problème est que, tout aussi monstrueux que soit l'acte, on arrive pas vraiment à la blâmer, encore moins à la détester ou à la juger. C'est un sentiment très particulier et sans dire qu'on la comprend, on peut comprendre le cheminement qui l'a amené à faire un tel geste. La mise en scène de Lafosse est d'une redoutable efficacité, quand son scénario, implacable, est écrit au couteau. Avec cette belle sobriété permettant que l'ensemble ne soit jamais glauque et où tout nous est suggéré plutôt que montrer. Sa direction d'acteurs est aussi la grande force du film. Emilie Dequenne tient là son meilleur rôle. Elle est impressionnante, voir époustouflante, dans cette dégradation physique et mentale. Une composition qui marque et qui est à ranger dans les toutes meilleures de l'année. Si Tahar Rahim s'en sort bien, mais le rôle reste assez secondaire, Niels Arestrup est une fois de plus imposant. Un rôle sur mesure pour celui qui a fait de ces partitions ingrates un peu sa marque de fabrique. Ils se retrouvent tous les deux pour la première fois après le triomphe de Un prophète.
Bref, difficile de parler d'un tel film, tellement l’expérience est traumatisante. Pour moi, l'un des meilleurs films de l'année. Mise en scène, scénario et interprétation de haute volée. A perdre la raison est un grand film, noir, désespéré, une vraie tragédie grecque qui marquera les esprits pour un moment...Une émotion sourde et forte, l'une des grandes claques de l'année...Bouleversant.