Elena

Après le tableau assez effrayant de la société russe dépeint par le récent Portrait au crépuscule,  voici Elena. Le nouveau film de Andrei Zviaguintsev (Le retour, Le bannissement, pas vus) est un vrai choc. Deux vrais chocs en fait. Le premier est visuel. Son film est une réussite formelle à couper le souffle. Les images sont d’une beauté rare. Sa mise en scène est extrêmement puissante, d’un dépouillement et d’une simplicité déconcertante. D’une totale maitrise et d’une totale virtuosité. Du travail d’orfèvre. Moi qui ne me soucis guère d’ordinaire de la technique, des mouvements de caméra…j’ai trouvé là que les plans fixes et les longs plans-séquences étaient vraiment magnifiques (le même plan ouvre et ferme le film). Ils créent une parfaite harmonie avec l’histoire, second choc. Leur lenteur (mais on ne s’ennuie jamais) accompagne celle du récit qui a besoin de temps. Le temps de nous imprégner de lieux, des personnages, des enjeux, du drame ordinaire qui lentement se monte sous nos yeux. Sans s’en rendre compte, on est pris aux tripes dès le début et le suspens s’installant et montant crescendo, on devient malgré nous complices d’Elena. A la fois horrifié et à la fois indulgent, on se demande ce que l’on aurait fait en pareil situation et encore une fois, on sort de là perplexe et interrogateur sur la complexité et la noirceur de la nature humaine. Le tout est enrobé par un unique morceau classique de Philip Glass, entêtant et beau à nous glacer le sang, collant parfaitement à l’ambiance dégagée. L’interprétation de tous les acteurs est un sans faute mais Nadezhda Markina, dans le rôle titre, est juste parfaite. Elle est vraiment incroyable. Une performance qui fera date. Tout comme le film qui, à l’instar d’Oslo, 31 août, ne cesse de me hanter.

Elena est un film saisissant. Fort, puissant, terrible. D’un côté il nous présente des gens simples ballotés au gré d’une société à la dérive, sans plus de repères moraux ou sociaux et de l’autre ce qu’ils sont prêts à faire (ou pas) pour s’en sortir. C’est édifiant et c’est consternant. C’est magnifique…