L'Artiste et son modèle

Malgré ses treize nominations, L'artiste et son modèle est reparti bredouille des derniers Goyas, les César espagnol (Blancanieves a tout raflé). Cela est bien dommage car ce film est magnifique. Sur tous les plans. Formellement d'abord. La photo est d'une rare splendeur (c'est le premier film du directeur photo). Chaque détail (costumes, décors, sculptures...) est sa place et parfaitement travaillé. Le tout, mis en forme par une mise en scène, fluide et délicate, nous offre des images d'une grande beauté. Pas de chichis, pas de fioritures, l’histoire est racontée avec une grande pudeur et une belle simplicité quelque que soit la scène : la légèreté d'une promenade dans la nature, d'une nage dans la cascade, des espiègleries de jeunes enfants ou d'un déjeuner à l'ombre au plus sérieux face à face de l'artiste et son modèle, aux affres de la création artistique, à l'occupation allemande ou de belles réflexions sur le désir ou sur la mort. Fernando Trueba et son co-scénariste Jean-Claude Carrière brassent donc ici beaucoup de thèmes. La direction d'acteurs est au diapason. Le face à face de l'artiste (Jean Rochefort, imposant et toujours vert) et son modèle (Aida Folch, une vraie révélation, magnifique) est un grand moment, le duo fonctionne parfaitement. Les seconds rôles sont solides bien que peu exploités (Claudia Cardinale, Chus Lampreava, Gotz Otto, Martin Gamet). Le rythme est assez lent mais on ne s'ennuie pas du tout devant tant de poésie, entre sculpture et nature, deux ou trois petits pics dramatiques (guerre oblige) venant pimenter le tout. On pense aussi parfois au Renoir de Gilles Bourdos, beaucoup de similitudes, mais cet Artiste et son modèle reste bien supérieur sur tous les plans.

Des images noir et blanc absolument splendides, le soleil, une sensualité de chaque instant...Voilà un film qui met tous les sens en éveil et qui fait aussi du bien à l'esprit. Même avec une fin assez glaçante, on en ressort ému, heureux et apaisé. Un très beau moment, un très beau film.