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Le Ciné de Fred

Les Bienveillantes de Jonathan Littell

L'histoire :

Le destin inventé d'un officier supérieur nazi de 1941 à 1945 sur le front de l'Est et à Berlin.

Mon avis :

Je viens de terminer Les bienveillantes de Jonathan Littell, prix Goncourt et grand prix du roman de l'Académie française 2006. Un grand choc. Un malaise. Mais surtout un éclairage nouveau sur cette période dont je ne sais finalement pas grand chose.

Quelques craintes avant de commencer le livre et au bout de quelques pages. D'abord l'impressionnant format de 900 pages ! Puis le texte en lui-même : peu de paragraphes, des phrases faisant quelques fois plus d'une page. Puis tout le vocabulaire allemand, quand on en comprend pas un seul mot, ce n'est pas une partie de plaisir. Le nombre incalculable de grades (soldats, officiers et autres policiers), de sigles et abbréviations et de toutes les ramifications de l'administration nazie, est éclairé par un lexique bienvenu en fin de volume. La grande étendue géographique du déroulement de l'histoire, les centaines de noms de villes, villages, régions, rivières etc...m'ont demandé de lire une bonne partie du livre avec un atlas, un dictionnaire et internet à portée de main. Ainsi que pour de nombreux mots de la langue française dont je ne connaissais même pas l'existence ! Mais finalement on s'y fait assez vite, et arrivé à environ un tiers du récit on n'y fait plus attention. Il faut donc insister, car comme beaucoup de monde sans doute, l'envie est très forte d'abandonner avant la page 200 ! Mais passés tous ces obstacles, le récit devient passionnant.

Les quelques cinq années de travail et de recherches de l'auteur sont bien là sur le papier : la documentation, la minutie des détails et des descriptions est impressionnante. Je reste toujours admiratif d'un tel esprit capable de nous donner une telle prose. La multitude de personnages décrits peut dérouter et l'on se dit que l'on ne pourra retenir tous ces noms. En fait cela n'a pas d'importance car comme le personnage central, on en entendra plus parler par la suite. Quelques personnages récurents sont là pour nous fournir quelques repères plus précis : le meilleur ami Thomas, la soeur jumelle Una, les parents, quelques hauts gradés et jusqu'à Hélène une hypothétique fiancée. Tous les autres personnages "officiels" décrits ont réellement existés.

Dès le début du livre, le malaise m'a saisi. A cause de l'histoire en elle-même sans doute, mais plus encore à cause de la crudité des propos et de la description des scènes de massacres, de violence ou de sexe. Les 5 ou 6 premières nuits j'en ai même rêvé, à la limite du cauchemar. Se forment ensuite une espèce de sympathie envers le personnage et une sorte de compréhension envers les actes odieux qu'étaient obligés de faire ces militaires. Cela amène alors immanquablement un sentiment de culpabilité. Mais cela passe aussi par la suite. Et l'on va jusqu'au bout sans vraiment juger, comme assister à un évènement auquel on sait pertinemment que l'on ne pourra rien changer. Le destin d'une seule personne et de millions d'autres, décidé par quelques uns, sans se soucier des dégâts occasionnés, dans cet esprit finalement détruit par cela, dans l'Histoire et dans la mémoire collective.

Des critiques négatives sur la vérité historique, sur les motivations des nazis ou sur quelques passages pouvant être interprétés comme  anti-sémites ont vu le jour dans la presse. Personnellement je les trouve infondées, j'ai plus pris le livre comme l'histoire d'un seul homme, emprisonné dans la tourmente de l'Histoire et empétré dans sa propre culpabilité, que l'histoire du génocide juif ou de la débâcle du IIIè Reich.

On sort du livre avec plus de questions et plus de doutes qu'on ne pouvait avoir en y entrant. Quelles responsabilités pour qui ? Quelle culpabilité pour qui ? Qui est le bourreau qui est la victime ? On en sort donc pas indemne, un peu moins ignoriant certes, mais surtout encore un peu plus perplexe sur l'esprit humain...

Jonathan Littell :

Question pour cinéphiles : Les Bienveillantes sont-elles adaptables au cinéma ??? Il semblerait que non, mais combien de films jugés inadaptables ont fait l'objet de piètres versions cinématographiques...



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S
Bravo dasola pour avoir eu l'immense chance d'obtenir la dédicace de l'auteur. Sinon, la meilleure adaptation d'un film dit inadaptable est Tournage dans un jardin anglais de Michael Winterbottom, qui est tiré plus ou moins fidèlement de Tristram Shandy de Laurence Sterne. Et c'est un très bon film.
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D
Et oui, les BienveillantesBonjour Fred, merci pour votre critique des Bienveillantes. Comme je l'ai dit dans mon billet du 11 janvier et sur d'autres blogs. Non seulement j'ai lu les 900 pages dès la fin septembre mais j'ai eu la grande chance d'avoir une dédicace de l'auteur. J'ai mis 3 semaines pour lire le livre et rien que les 20 premières sont prodigieuses. PS : votre blog est vraiment bien.
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