22 Novembre 2011
Avant même sa sortie le film défrayait la chronique. Interdiction aux moins de 16 ans (injustifiée à mon sens, les jeunes voient bien pire tous les jours à la télé ou sur internet), projection cannoise houleuse, affiches enlaidies d’un laconique « censuré » ou d’un inutile « à vous de juger ». Tout cela ne fait que de la publicité gratuite au film, tant mieux. Le bouche à oreille négatif allant de « nul » à « porno chic » n’arrangeant pas les choses, je me suis donc déplacé plus par curiosité que par envie. Résultat : une excellente surprise, j’ai adoré. Comme certains films par le passé (Antichrist, La soledad…) injustement boudés ou descendus en flèche, j’ai envie de le défendre. Plus qu’un film glauque, abject, provocateur ou faisant l’apologie de la prostitution, je n’y ai vu qu’un très beau portrait de femme. Désespérée et à la dérive. Une jeune femme qui pour survivre s’abandonne totalement. Pour son premier film Julia Leigh n’explique rien. Elle ne montre rien non plus, pas de scène scabreuse à l’image, tout reste dans l’idée et dans la suggestion. Le point de vue négatif de certains n’est que dans l’interprétation que l‘on peut s’en faire. Si certains (beaucoup) y voit quelque chose de malsain, je n’y vois qu’une sorte de conte de fée moderne désincarné, froid, glacial et sans amour (à l’image de notre époque où la jeunesse et les corps sont devenus plus marchandises que beauté et innocence à préserver ?), ni vulgaire, ni graveuleux. On ne sait rien de Lucy, d’où elle vient, où elle va, ce qui la pousse à agir de la sorte, l’argent n’étant pas le motif premier (brûler un billet de 100 dollars ?) bien qu’elle multiplie les petits boulots et soit étudiante…Bref, plus de questions que de réponses, mais voulons-nous vraiment les connaitre ? Est-elle juste une jeune fille perverse ou d’autres sentiments la mènent-elle ?
Techniquement le film est très réussi. La mise en scène, les couleurs et les décors sont sobres, aussi froids et impersonnels que les personnages. La quasi absence de musique ne se fait pas ressentir. Emily Browning, que je voyais pour la première fois, est absolument parfaite, subjugante, une vraie révélation. Sa plastique et son aisance naturelle dans le rôle ne sont pas pour rien dans la réussite de ce premier long métrage de la réalisatrice protégée de Jane Campion. Elle réalise un film qui certes, divise, mais ne laisse pas indifférent (il est vrai que la salle, pleine au départ, c’est vidée progressivement…). Pour ma part, j’ai été littéralement fasciné. Y voyant plus là grande mélancolie et désespoir infini plus que perversion et noirceur glauque. Après Animal Kingdom, une autre petite pépite en provenance d’Australie. Une belle au bois dormant revisitée plus proche de Lynch que de Disney. Aussi réussi sur la forme que sur le fond, un vrai coup de cœur, beau et troublant…