6 Février 2013
Bienvenue dans le pays où la femme n'existe pas. Même sur les arbres généalogiques, il n'y a que des hommes (comment font-ils pour se reproduire ??). Et dans le pays où il n'y a aucune salle de cinéma. Dans ce contexte, voici le premier film de cinéma jamais réalisé sur le territoire de l'Arabie Saoudite et qui plus est, réalisé par une femme. Beaucoup d'avancées d'un coup. La réalisatrice (très émue par l'accueil qui lui a été réservé), n'a voulu choquer personne, ni dans son film, ni dans ses propos au débat (où pour une fois la plupart du public est resté et les questions étaient plus intelligentes que d'habitude), et on la comprend (il y a fort à parier que quelques représentants de l'ambassade saoudienne étaient dans la salle incognitos). Elle a bien insisté sur le fait que les choses évoluent et que le pays commence à s'ouvrir, on est pas franchement convaincu, mais on l'espère en tout cas. Le film fait le tour des festivals et reçoit toujours le même accueil triomphal. Non pas qu'il soit un chef d'oeuvre, mais il fait forcément figure de symbole. Malgré tout, c'est très bien fait. Haifaa Al Mansour a réussi à braver toutes les interdictions et toutes les difficultés pour nous faire découvrir ce quotidien des femmes saoudiennes à travers les yeux d'une petite fille de dix ans. Le scénario est très simple : Wadjda veut un vélo pour pouvoir faire la course avec son petit amoureux et elle fera tout pour y arriver. Sur cette trame, on suit la vie de quelques femmes de la classe moyenne par une succession de scènes tour à tour drôles, émouvantes, cruelles et forcément intolérables au vue de la condition féminine dans le pays, même si on apprend rien. Malgré cet état de fait, elles semblent (essaient) d'être heureuses sachant qu'elles n'ont pas le choix devant ce qu'on leur impose (polygamie, fillettes mariées à dix ans...). La mise en scène est agréable et fluide, le récit (parfois auto-biographique) coule sans ennui, nous offrant ça et là de très jolies scènes. Les actrices sont toutes formidables et en particulier la jeune Waad Mohammed dans le rôle titre, découverte in-extremis une semaine avant le début du tournage.
Si Wadjda ne restera sans doute pas dans l'histoire comme un grand film, il y restera comme un fait politique et une avancée (significative ?) de la condition féminine dans ce pays (tout en restant très prudent). La réalisatrice ne juge pas, elle nous montre juste. Ce n'est déjà pas rien. En espérant que cet essai ne reste pas sans suite, et pour sa carrière et pour les femmes saoudiennes. Un film à voir donc, sans hésitation.