Après quatre années de séparation, Ahmad arrive à Paris depuis Téhéran, à la demande de Marie, son épouse française, pour procéder aux formalités de leur divorce. Lors de son bref séjour, Ahmad découvre la relation conflictuelle que Marie entretient avec sa fille, Lucie. Les efforts d'Ahmad pour tenter d'améliorer cette relation lèveront le voile sur un secret du passé.
Après le succès public et critique phénoménal de Une séparation (Oscar, César et autres prix...), on se demandait comment aller rebondir Asghar Farhadi (découvert avec le très beau A propos d'Elly). C'est donc en France qu'il pose sa caméra pour son sixième long métrage. On doute toujours lorsque un réalisateur acclamé quitte son pays (surtout vers Hollywood). C'est parfois différent lorsqu'ils viennent en Europe. A l'instar de son compatriote Abbas Kiarostami avec Copie conforme, Farhadi réussit parfaitement son virage français. Finalement, à part la langue, peu de différences, ces thèmes de prédilection sont là (la famille, les enfants, les séparations, les disparitions...). Pourtant ce n'est pas gagné d’entrée. Le début m'a semblé long et ennuyeux et j'ai vraiment craint le pire. Plus encore que dans ses autres films, il prend le temps de mettre en place l'histoire et de nous présenter les personnages. Mais subrepticement, par petites touches, on entre dans cette histoire sans s'en apercevoir. Le scénario (trop écrit, ai-je entendu à la télé) nous emmène de révélations en coups de théâtre, transformant la dernière partie en véritable suspens. Les personnages ne sont jamais jugés. Ils sont tour à tour aimables, détestables, pitoyables, et sans vraiment s'y attacher, on les comprend et on ne les juge pas non plus. Où l'on voit que le film porte très bien son nom, le passé peut influencer terriblement le présent et surtout l'avenir. Marie est résolument tournée vers le futur et veut faire table rase de ce passé que les hommes ont beaucoup plus de mal à laisser filer. Les enfants sont ballotés au milieu du balai indécis des adultes, et en font les frais par ricochets.
La mise en scène et le scénario de Farhadi n'ont pas changé en changeant de pays. A la fois simple et d'une grande force, faisant la part belle aux personnages et à leurs sentiments. Même si le doute est sans doute celui qui les anime le plus. Les dialogues et la puissance dramatique font le reste. Sans parler de la direction d'acteurs encore une fois impeccable chez le réalisateur. Ses personnages sont parfaitement incarnés par des acteurs parfaitement dirigés. Bérénice Béjo m'a étonné. Je l'ai trouvé formidable, elle m'a même ébloui, alors que le personnage n'est pas forcément attachant, c'est très étrange. Paradoxalement on s'attache plus aux hommes. Ali Mosaffa (acteur et réalisateur iranien, mari de Leila Hatami, l’héroïne de Une Séparation) est très convaincant. J'ai découvert un Tahar Rahim (que je trouve très surestimé et que je n'apprécie pas particulièrement d'habitude) très touchant bien que le rôle soit un peu en retrait par rapport aux deux autres. Quant aux enfants, ils sont formidables. Que ce soit Elyes Aguis (le petit garçon de Rahim) ou Pauline Burlet, qui joue la fille de Béjo, très perturbée par la vie sentimentale de sa mère.
Je ne sais pas ce que va penser le jury cannois de ce nouveau film de Asghar Farahdi mais pour ma part, on frôle le chef d'oeuvre. Je l'ai vécu intensément. Je l'ai trouvé captivant, plein d'émotions (souvent contradictoires mais sans lourdeur ni pathos), d'une belle profondeur et d'une grande intensité (beaucoup de scènes m'ont noué l'estomac et m'ont mis les larmes aux yeux). J'en suis sorti un peu en vrac, et pour être franc totalement bouleversé. C'est rare, ça fait du bien et finalement cela ne tient pas à grand chose. En tout cas Le passé m'a bien parlé (peut-être parce que je n'arrive pas à me débarrasser totalement du mien...?). Puissant, fort, humain, intelligent, complexe tout autant que banal, dur, violent, noir et désespéré...En un mot passionnant...Le meilleur film français de l'année serait-il donc réalisé par un iranien ?...
Je me suis copieusement ennuyé dans ce vaudeville qui ne dit pas son nom. Très bien joué il est vrai, et par tous, sur une belle réalisation, mais sur un canevas peu passionnant.